Ils étaient tous la à attendre la machine de l’entreprise qui devait venir de Mekla en passant par Michelet. Même l’imam a été invité à bénir le début des travaux. Des gâteaux et des boissons gazeuses ont été offerts à tout le monde, dans la satisfaction générale.
Les habitants ne cachaient pas leur joie de voir enfin arriver le bulldozer de l’entreprise « Malek » qui s’est vue confiée les travaux d’ouverture de la piste agricole villageoise. Celle-ci sera longue d’environ 4,5 kms et servira à désenclaver les oliveraies du village puis aboutir au hameau Yahlem. Le projet de cette piste a été initié par les membres du comité de village qui ont profité de la visite du préfet pour le sensibiliser. Les villageois se sont organisés pour convaincre tout le monde et particulièrement les propriétaires de parcelles situées en bordure de la route nationale par où devait s’effectuer l’entame de la piste. Il faut savoir que plusieurs projets de ce genre dans la région ont été rebutés par l’opposition de certains propriétaires à courte vue qui n’acceptaient pas d’empiétements sur leurs parcelles. Mais ici, tous les riverains ont accepté de signer l’engagement exigé par l’administration. Une dame habitant Alger, médecin de profession, n’a pas hésité à donner son accord alors que sa parcelle est assurément de haute valeur. Et les membres du comité ne tarissent pas d’éloges à l’égard de cette femme qui a su prendre la mesure de l’intérêt collectif.
Ait Mimoun se caractérise par une survivance remarquable de l’esprit communautaire. Les habitants ont élu un comité fonctionnel, comprenant des jeunes hommes, pour leur dynamisme utile dans les démarches administratives, et des sages pour le règlement des litiges. Les projets sont débattus démocratiquement et tout le monde a le droit de s’exprimer. Mais on notera la retenue naturelle qui caractérise les débats. Le village fait régulièrement sa toilette. Un groupe de vingt hommes, désigné selon une rotation hebdomadaire, balaie les ruelles et transportent les déchets au dépotoir. Cet intérêt pour l’hygiène fait que le village jouit d’une propreté exemplaire contrairement à nos villes devenues repoussantes. Une trésorerie est tenue scrupuleusement, à partir des cotisations des villageois, et permet de faire face aux dépenses collectives. Les frais funéraires sont pris en charge par la collectivité, ainsi que la rémunération du facteur. Le village bouge. Un foyer de jeunes est en voie de finition, des sources situées non loin de la ont été captées et acheminées à proximité pour parer au déficit hydrique en été.
La piste agricole permettra la mise en valeur de parcelles jusque la inaccessibles. En parcourant cette agglomération, on replonge dans l’atmosphère, devenue rare, de la sérénité kabyle. Au fonds des petites ruelles, des vieilles en tenues immuables sont assises au soleil, témoins d’un autre temps, et vous lancent un bonjour affectueux. De jeunes femmes vous regardent sans fausse gêne. Il n’y en a aucune de voilée, la pudeur étant ici une vertu intérieure. On sent comme un lien invisible tissé autour des gens, une soudure humaine encore vivace alors que presque partout ailleurs, l’émergence d’un individualisme agressif a fait éclater le ciment social millénaire.
Amarouche
Source : http://www.kabyle.com/Ait-Mimoun-ou-l-atavisme,12023.html